Rue Monsieur-le-Prince

Dès le début de la rue, une plaque au n° 2 nous rappelle l’origine de la rue : « rue des Fossés monsieur-le-Prince ». Les fossés en question sont ceux qui furent creusés le long du rempart protégeant la cité. L’enceinte fut édifiée sous Philippe-Auguste, au début du XIIIème siècle ; les fossés, eux, furent creusés 150 ans plus tard, sous Charles V. Inutile de construire une nouvelle enceinte rive gauche car la ville de ce côté-ci de la Seine s’était peu développée hors les murs. A la place de cette rue, il faut donc imaginer un chemin campagnard longeant l’extérieur du rempart, depuis la Porte Saint-Germain jusqu’à la Porte Saint-Michel. Pour compléter le tableau, souvenons-nous que le chemin longeait, côté impair, le couvent des Cordeliers.

Quant au « Monsieur-le-Prince » en question, c’était le prince de Condé, propriétaire d’un hôtel particulier à proximité de la rue. Cet hôtel, disparu aujourd’hui, faisait face à celui du Luxembourg.


Porte du numéro 4

 

   

      

 

N°4 : une des plus belles portes de la capitale, datant du XVIIIème siècle et aujourd’hui classée. Il est intéressant de comparer la richesse de sa décoration à la sobriété des façades des numéros 6 et 8. Quelques décennies se sont écoulées entre les deux immeubles ; du style Louis XV, tout en courbes et volutes, nous sommes passés à la simplicité du style Louis XVI.

   

   

   

      

      

 

Au n° 10, Auguste Comte habita au premier étage, porte gauche, de 1841 à sa mort, en 1857.

Le pape du positivisme. Peu de temps après son arrivée à Paris, il devint le secrétaire de Saint-Simon, pas le mémorialiste, bien sûr, mais le théoricien utopiste. Selon Auguste, l’Humanité passe par trois stades successifs : l’âge théologique, l’âge de la philosophie et de la métaphysique, enfin l’âge positif où seules existent les vérités scientifiques, de la physique à la sociologie. L’appartement est devenu un lieu de pèlerinage des adeptes du positivisme. Les meubles et les objets personnels du grand penseur sont toujours là.


 

Nous voici arrivés au croisement avec la rue Antoine-Dubois et la rue Casimir-Delavigne où deux événements, sans aucun rapport l’un l’autre, se sont déroulés.

 


D’abord, début 1804, la folle équipée du conspirateur Cadoudal connaît un épisode dramatique. Quelques mois plus tôt, des chouans sont arrêtés à Paris. L’un d’eux, Querelle, révèle qu’il est arrivé dans la capitale avec un dénommé Cadoudal qui a l’intention d’assassiner le Premier Consul. L’affaire prend des proportions considérables car on parle d’une conspiration où sont impliqués des généraux, Moreau et Pichegru. Ces derniers sont rapidement arrêtés mais Georges Cadoudal est toujours introuvable malgré les importantes recherches et son signalement abondamment diffusé, « Extrêmement puissant, épaules larges, tête effroyable par sa grosseur … » - description confirmée par les gravures de l’époque.

Cadoudal se cache rue de la Montagne Sainte-Geneviève où il ne se sent pas en sécurité. Un complice lui indique une autre cache, rue du Four-Saint-Germain, plus sûre. La corpulence de Cadoudal lui interdisant de s’y rendre à pied sous peine d’être rapidement repéré, on choisit la solution du cabriolet, conduit par un autre chouan, Le Ridant. Mais Le Ridant est suivi depuis quelque temps par la police. Dès la location du cabriolet, le quartier est quadrillé par toute une escouade de policiers déguisés en bourgeois, chargés de repérer l’itinéraire du véhicule. L’un d’eux interpelle Cadoudal dès qu’il sort de sa cache. Le conspirateur n’hésite pas un instant, « Fouettez ! » dit-il à Le Ridant. Le cabriolet dévale la rue Cujas puis la rue Monsieur-le-Prince. Arrivé à la hauteur de la rue Voltaire (actuelle rue Casimir-Delavigne), l’inspecteur Buffet court vers l’attelage, réussit à saisir le cheval par la bride et se laisse traîner. Cadoudal se penche, sort un pistolet. A bout portant, il tire sur Buffet qui tombe foudroyé.

Le cheval s’arrête brusquement. Lâchant les ressorts auxquels il s’est agrippé, le policier Caniolle saute à terre pour empoigner Cadoudal. Deuxième coup de feu. Georges descend en courant les escaliers de la petite rue de l’Observance (actuelle rue Antoine Dubois). Caniolle, qui n’est que blessé, réussit à le rattraper et le frapper d’un coup de bâton. Il ameute les autres policiers « C’est Georges, c’est Georges ! » alors que Le Ridant avait profité de la confusion pour se fondre dans l’ombre. Georges se mêle dans la foule mais sa physionomie le trahit. Il est reconnu et arrêté, sans opposer de résistance, comme quelqu’un qui savait être arrivé au bout.

Les conjurés seront guillotinés le 25 juin 1804, Cadoudal montera le premier sur l’échafaud en criant plusieurs fois « Vive le Roi ! ». (d’après Hillairet – dictionnaire des rues de Paris)


La Vérité

 

156 ans plus tard, Clouzot tourne ici une scène capitale de « La Vérité » 


1960 : Alors que la Nouvelle Vague déferle, Henri-Georges Clouzot, un des représentants de la « qualité française » si vivement attaquée par Truffaut, tourne un film sur la jeunesse ! Face à face, Brigitte Bardot, insouciante et volage, au zénith de sa beauté, et Sami Frey, jeune homme talentueux et soucieux de son avenir. Sami Frey passe toute la nuit à attendre Brigitte, près de l’hôtel où elle s’est installée. La veille au soir, ils étaient ensemble près des « Trois Mailletz » avec les copains. Puis elle est partie sur le siège arrière d’une moto, le temps de faire le tour du quartier, histoire de se griser. Et, depuis, plus de nouvelles. Sami se fait un sang d’encre toute la nuit. Au petit matin, Brigitte arrive, en taxi. C’est l’explication. Pauvre Sami. Mais, au bout du compte, qui, des deux, est le plus sincère avec lui-même ?   

 

   


Porte en trompe-l'oeil du n° 14

 

N° 14 : Saint-Saëns y vécut de 1876 à 1889. Un autre « saint », Saint-Just, aurait habité à cette adresse.

Nombreuses sont les grandes figures de la Révolution qui vécurent dans le quartier : Desmoulins, Danton, Marat. Il était inévitable qu’un club politique s’installe à proximité : on choisit le réfectoire de l’ex-couvent des Cordeliers, ex-couvent devenu depuis faculté de Médecine, dont vous pouvez voir l’imposante et austère façade arrière de l’autre côté de la rue.

A cette même adresse, la librairie Ciné-reflet où vous trouverez peut-être quelque chose sur la Vérité. Librairies qui ont tendance à disparaître de la rue, remplacées par les restaurants japonais ….
 
Au passage, appréciez la porte à double vantaux travaillée en trompe l'oeil.
   
   

   

fenêtre du 26 et cour du 22

   

     

   

N°22 : jolie cour ..

   

N°26 : jolies fenêtres ..

   

   

   

   

   


     Immeuble Art déco

  

     

   

   

   

A l'angle avec la rue de Vaugirard, un immeuble Art Déco intéressant avec, en arrière plan, l’observatoire de la Sorbonne.

 

   

       

   

   

    

   

   


 

 

N°40 : une ancienne inscription du nom de la rue.

 

N°41 à n°47 : comme cela se faisait fréquemment, à des fins d’économie, ces maisons se reposent sur le rempart de Philippe-Auguste. Le mur du fond est donc l’authentique mur d’enceinte.

 

Porte cloutée du n° 41

   


   

 

 

 

 

N°46 : une porte cloutée. On les date généralement du début du XVIème siècle. Serait-ce la plus vieille maison de la rue, même si elle fut refaçadée ?

   

 

   

   

 

   


 

N°54 : Pascal touché par la grâce. En octobre 1654, Pierre de Patry, maître d’hôtel du duc d’Orléans, loua la maison à Pascal qui l’habita jusqu’à sa mort, le 19 août 1662. Il écrivit ici la quasi-totalité de ses Pensées et une partie des Provinciales.

Pascal est malade, perclus de douleurs qui ne le laissent jamais en paix. La fréquentation du monde lui permet de supporter les moments difficiles mais elle ne lui apporte pas le réel contentement. Malgré sa conversion de Rouen, le janséniste qu’il est se sent abandonné de Dieu.

Et puis, arrive la nuit du 23 novembre 1654, la « nuit de feu » dans la maison de la rue des Francs-Bourgeois-Saint-Michel (nom que portait à l’époque cette portion de la rue Monsieur-le-Prince), «depuis environ dix heures et demie du soir jusques environ minuit et demie». Il vit une expérience bouleversante qui remédie à l’état de sécheresse spirituelle où il se trouve. Pas d’apparition, de vision mais le sentiment de la présence immédiate de Dieu à son cœur, qui a engendré l’enthousiasme, les « pleurs de joie ». Blaise note immédiatement ses impressions sur un papier, un « mémorial » qu’il conserve dans la doublure de son habit. On ne le découvrira qu’après sa mort : une suite de courtes phrases notées dans l’instant :

« Que je n’en sois jamais séparé »

« Il ne se conserve que par les voies enseignées par l’Evangile. »

« Renonciation totale et douce »

« Soumission totale à Jésus-Christ et à mon directeur. »

 

Cette maison a été transformée et surélevée en 1840.

   


 

 

N°58 : belle façade Louis XV. C’est surtout à partir de cette époque que les façades des immeubles commencent à s’élargir sur la rue, occupant non plus une seule parcelle, héritage du passé agricole, mais deux ou trois.

    

Enfin, à l’angle du boulevard Saint-Michel, côté nord. C’est ici que Mac Donald implanta son premier établissement à Paris, dans les années 70. Il venait chercher noise au Wimpy installé de l’autre côté du boulevard. Ce fut un échec cuisant. Mac Donald quitta alors Paris, pour revenir un peu plus tard …

    

s63-65 : maisons du XVIIIème siècle.