La rue la plus chère de Paris, et
non seulement au Monopoly.
Elle est à l’emplacement d’un des
cinq bastions de la partie de l’enceinte qui, sous Louis XIII, protégeait les
Tuileries et le nouveau quartier à la mode, Saint-Honoré.
C’est justement rue Saint-Honoré
qu’était installé le couvent des Capucines lorsque Louis XIV décida
l’aménagement de la place Vendôme. Gênant l’opération immobilière, le couvent
fut transféré en 1688 au nord de la future place, à la hauteur des actuelles
rues des Capucines et Danielle-Casanova. L’église conventuelle
fermait la perspective que le passant découvrait lorsqu’il débouchait au sud de
la place.
Le couvent fut fermé en 1790, ses
jardins devinrent un lieu de promenade où s’installèrent des cafés, des
concerts et le cirque Franconi. Puis il abrita la
fabrication des assignats et l’église fut transformée en théâtre, avant de devenir
une cité ouvrière.
L’ex-couvent va complètement
disparaître en 1806. Napoléon a décidé de transformer Paris en une ville
moderne, la doter de quartiers aux artères larges, rectilignes et
perpendiculaires entre elles. Ainsi naissent les rues de Rivoli, de Castiglione
et de la Paix. Notre
rue s’appelle
d’abord rue Napoléon, évidemment. Pour peu de temps
car, en 1814, alors que
l’empereur déchu commence son exil à
l’île d’Elbe, un traité de paix est
signé
entre la France et les coalisés, traité qui donne son nom
à la rue.
S’il
est deux établissements qui véhiculent l’image de luxe
étroitement associée à Paris dans le monde entier, ce sont l’hôtel Ritz et
Cartier ; autrement dit, la place Vendôme et la rue de la Paix.
La vocation de la rue de la Paix
est née peu de temps après sa création : en 1815, Mellerio fut le premier joaillier à s’y installer. La
maison y est toujours, numéro 9.
D’autres
joailliers-bijoutiers suivront Mellerio.
Parmi eux, Cartier, qui s’installe ici en 1899.
Les autres
Tiffany’s,
dont le nom reste lié à la plus parisienne des actrices américaines, Audrey
Hepburn, pourtant « Breakfast at Tiffany’s »
ne se déroule pas à Paris mais à New York.
Au numéro 5, c’est Van Cleef & Arpels, résultat
de l’association entre Alfed Van Cleef,
issu d'une lignée d'artisans belges et hollandais spécialisés dans la taille de
la pierre, et son beau-frère Charles Arpels, fils
d'un négociant en pierres précieuses. En 1906, ils déposent la signature Van Cleef and Arpels
et s'installent à Paris. Ils ont à leur palmarès la corbeille de fiançailles de
Rainier de Monaco à Grâce Kelly.
Enfin, nous trouvons Tecla, dont le nom est cité dans un des meilleurs
« polars » français (voir plus bas) et Burma,
homonyme du célèbre détective imaginé par Léo Malet, celui « qu met le
mystère KO » et dont l’agence au nom si bien trouvé, Fiat Lux, avait ses
locaux rue des Petit-Champs, à quelques pâtés de
maisons d’ici.
Commençons
par les immeubles en retour de la place Vendôme. Rez-de-chaussée en
ligne de refend, arcades avec mascarons en clé de voûte, pierre de taille, deux
étages de hautes fenêtres encadrées de pilastres corinthiens. Bâties sur les
plans de Hardouin-Mansart, ces façades datent des années 1690. Un bel exemple de
l’architecture classique du Grand Siècle.
Ensuite, du croisement des
Capucines au carrefour de la rue Daunou, nous sommes au cœur de
la rue
napoléonienne. Pourtant, nombre de façades
présentent des caractères plutôt
d’époque
Louis XVI : corniche bien marquée, à modillons,
fenêtres sobres, motifs
répétés type guirlande, fenêtres à
console. Le numéro 16 est un bel
exemple de ce style. Deux ans après le sacre, le style Empire ne s’impose pas
encore.
Le numéro 6, en revanche, est un meilleur témoin
de son époque. On y voit en particulier l’influence
vénitienne avec,
au bel étage, les baies de plein cintre regroupées par
trois ; une
variante des serliennes, ornant nombre de façades, le long du Grand Canal.
Influence qui rappelle le séjour du général Bonaparte dans la cité des Doges … et
la fin d’une république multi-centenaire.
Disséminés,
quelques immeubles post-haussmanniens, tel celui du numéro 8, aux
caryatides bien sages, à comparer avec celles du porche du numéro 4.
A l’autre extrémité de la rue
de la Paix,
deux immeubles semblables font office de portes d’accès
à
l’avenue de l’Opéra. A juste titre car, plus
qu’à la rue de la Paix, c’est à
l’avenue qu’ils appartiennent. Bien que construits en 1908,
ils sont
fondamentalement haussmanniens. Comparez les immeubles des deux
extrémités de la rue ; plus de 200 ans les
séparent mais sont-ils très différents
? arcades de plein cintre au
rez-de-chaussée avec mascarons et lignes de refend, pilastres
entre les
fenêtres des étages.
La rue de la Paix fut, en 1955, le cadre principal d’un des meilleurs polars du cinéma français, Du Rififi chez les Hommes.
Un extrait :
- Ferrugia,
bottier, de belles tatanes sur mesure à vingt mille balles la paire pour ma
bourgeoise ….
- Ca ouvre quand ?
- Tard.
- Tecla,
perles de culture, bijoux fantaisie, pas sérieux
s’abstenir, ouverture dix
heures … un fleuriste maintenant, la vendeuse a les plus beaux
roberts de tout
Paris, mais ici attention, ouverture à six heures, même
avant.
- Ca veut dire qu’à cinq heures, il
faudra qu’on soit partis, pas plus tard.
- Ici, Henri Maupiou,
soieries pour robes de bal, genre petits lits blancs. La maison a des
succursales à Londres et à New York , en cas
d’accrocs pendant les voyages.
- Au poil !
- On remet ça sur l’autre
trottoir ?
- Non, je te fais confiance.
Avant
de quitter la rue, une dernière remarque : l’une des façades, côté impair,
vous permettra de savoir ce qui trônait au milieu de la place Vendôme avant la
colonne. Cherchez bien.