La rue Campagne-Première |
|
L’origine du nom · Curieux nom que Campagne Première : est-ce parce que la campagne apparaissait pour la première fois au Parisien qui empruntait ce chemin, une fois dépassé le mur des Fermiers généraux (actuel boulevard du Montparnasse) ? Ou bien le souvenir d’un lointain gallo-romain du nom de Primus ? Non, c’est tout simplement parce que le propriétaire de ces terrains, un nommé Taponier, général de son état, lui donna ce nom en souvenir de sa première campagne militaire (Hillairet). |
|
|
|
Un peu plus loin, l’immeuble du n° 12 nous rappelle le Paris d’avant Haussmann : rarement plus de quatre étages, façade crépie de plâtre, persiennes en bois. On pourrait le qualifier d’immeuble balzacien. Lui faisant face, un café qui ne semble pas avoir beaucoup changé depuis les années cinquante, décennie du néon et du formica. Une plaque discrète, apposée sur le coin gauche de l’immeuble, rappelle qu’Eugène Atget vécut ici. Bien oublié de nos jours, ce photographe né en 1857 et mort à 80 ans, nous a laissé un témoignage inappréciable sur le « Vieux Paris », les quartiers et les métiers déjà en voie de disparition à cette époque. Le successeur de Nadar et Marville, l’aîné de Doisneau et Willy Ronis.
Faisons encore
quelques pas et une voie privée, fermée d’une grille, apparaît à notre
gauche. C’est le passage d’Enfer. Vu du boulevard Raspail, le passage
d’Enfer nous offre une impression rare dans Paris : celle d’une voie pavée
sans aucune voiture. Nous voilà replongés en 1830 ou en 1855. C’est
d’ailleurs cette année-là qu’eut lieu un étrange fait divers, une sorte
d’affaire d’honneur qui fut relatée jadis par Léo Malet :
|
|
Toujours côté numéros impairs apparaît
maintenant l’hôtel Istria · Symbole de l’âge d’or du
Montparnasse cosmopolite, carrefour du monde, à cette époque où dans l‘un des
cafés du boulevard, Trotski et Lénine pouvaient croiser le suisse Blaise
Cendrars, mutilé de la première guerre, le peintre japonais Foujita, le
dessinateur bulgare (et un peu érotomane) Pascin ou encore quelque romancier
américain. C’est dans ce quartier que Maigret est aux prises avec le tchèque
Radek dans la Tête d’un Homme.
Ont vécu dans cet hôtel : Marcel
Duchamp, Tristan Tzara, Maïakovski, Picabia, Erik Satie. |
|
Enfin, à l’angle du boulevard Raspail, au n° 31, un remarquable immeuble abritant des ateliers d’artistes et datant de 1911. L’immeuble est l’œuvre de l’architecte Arfidson. Mais plus que l’architecte, c’est Bigot qui a donné tout son caractère à cette façade. Cette vaste mosaïque de grès flammé conçue par le céramiste fut d’ailleurs récompensée par le grand prix des façades. Alexandre Bigot a laissé dans la capitale bien d’autres traces de son talent. Promenez-vous avenue Rapp et vous reconnaîtrez sans hésitation sa patte à un certain numéro. |
|
Paris studio de cinéma · 1960 : les derniers instants de Michel Poiccard. |
|
|
|
À bout de souffle · Jean-Luc Godard situe rue Campagne-Première la dernière scène de son premier film (et probablement son meilleur). Michel Poiccard, alias J.-P. Belmondo, voleur de voitures et assassin d’un motard, termine ici sa cavale. « Je suis fatigué, j’en ai marre », dit-il face à la caméra lorsqu’il apprend que la police arrive. Sa tentative de fuite sans conviction n’ira pas au-delà du bout de la rue, deux balles dans le dos, et suivi par un mémorable mouvement de caméra. Allongé sur le pavé, « dégueulasse » sera son dernier mot, face à celle qui l’a dénoncé (Jean Seberg). |
|
|